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Fondation de l'Automobile Marius Berliet

SOMUA : une aventure industrielle

La Société d’Outillage Mécanique et d’Usinage d’Artillerie (SOMUA) naît en 1914, de la fusion de 5 usines (Bouhey, Farcot, société Française de Machines-outils, Jaegger, Champigneul) et sous le haut patronage du géant de la métallurgie Schneider. A l’origine, elle fabrique principalement des obus, des machines-outils et des engrenages, auxquels vont s’ajouter du matériel hydraulique et des motoculteurs.

Publicité de 1917

 

Installée à Saint Ouen (région parisienne), la Somua prend en charge dès 1916, la branche « automobiles poids lourds » de Schneider, qui lui apporte son expérience et lui ouvre les marchés publics. Après avoir produit du matériel militaire et des châssis estampillés « CGO Schneider », la jeune entreprise met au point une gamme modernisée qui sort en 1926 sous son propre nom : SOMUA. Une nouvelle marque de véhicules utilitaires est née.

A gauche : publicité de 1927 – à droite : camion gros tonnage de transport exceptionnel (type KDB) 1930

 

Du matériel fiable, fruit d’une expérience reconnue.

Grâce à son glorieux ainé, Somua est considéré à la fois comme un nouveau venu dans l’industrie automobile et comme l’une des plus anciennes firmes françaises. Schneider lui fait bénéficier, non seulement du savoir-faire de ses techniciens et de la richesse de son parc industriel, mais lui fournit également les métaux les plus appropriés. Les véhicules sont mis au point selon un programme de standardisation rigoureux : l’étude d’un seul modèle suffit à fixer les caractéristiques de tous les autres et le nombre d’organes est réduit à l’essentiel.

 

Châssis et droit ou surbaissé du RZC (1932), inspiré des autobus Schneider. On peut voir la tige du frein à enrouleur extérieur

 

Quelques spécificités de la marque :

L’entreprise étant équipée des meilleures machines-outils, la qualité des pièces mécaniques est optimale. Par exemple, tous les engrenages des boîtes de vitesses sont usinés au profil « Maag» et rectifiés sur des machines de haute précision. Il en résulte des boîtes ayant une très bonne résistance à l’usure et un silence de fonctionnement remarquable.

Les ingénieurs Somua optent pour les freins à enrouleur extérieur à ruban d’acier garni de Ferodo, plus performants selon eux, que les freins à segments intérieurs et ce, malgré la nécessité d’un carter de protection contre les projections (eau, boue…). Ce système de freinage, peu utilisé sur les camions de la concurrence, va perdurer jusqu’en 1932.

 

Autre particularité de Somua, le moteur à huile lourde MF licence Hesselman apparaît sur la gamme de 1934-35. Il emprunte à la fois les principes du diesel et du moteur à explosion. L’alimentation est assurée par pompe et injecteur à allumage électrique, c’est-à-dire que la combustion se fait à pression réduite, par magnéto et bougie, au lieu de se déclencher par auto-allumage spontané à haute pression, comme c’est le cas pour le système diesel.

 

Le moteur Hesselman sur châssis JL12 de 1946 (photo et détail de fiche technique)

 

Entre 1929 et 1939, Somua propose un catalogue impressionnant de matériels variés (autobus, véhicules de voirie et d’incendie, matériels ferroviaires, bennes, pompes, citernes, châssis tous-terrains civils et militaires…) ainsi qu’une gamme complète de camions et tracteurs routiers allant de 4 à 20 tonnes. La guerre et les années d’occupation vont briser cet élan.

Aperçu de la gamme Somua de 1936

 

1946 : Un redémarrage difficile sous le signe de l’austérité.

Dans les premiers mois d’après-guerre, la pénurie de matières premières laisse les entreprises exsangues. Le constructeur de St Ouen intègre un groupement institué par le Plan Pons : l’Union Française Automobile (UFA), aux côtés de Panhard et de Willème. Selon les directives du Plan, Somua doit construire des camions de gamme intermédiaire 5-7 tonnes. C’est dans ce contexte que le JL12 voit le jour. Ce châssis modernisé est doté d’une cabine avancée similaire à celle de Panhard. Au fil des années, vont s’échelonner les JL12, JL15, JL17, JL17-150… proposés en porteur, tracteur, châssis long, 6 roues etc. La production est faible : 572 camions routiers sortent des chaines entre 1950 et 1951, soit un volume analogue à celui de Bernard mais inférieur à Willème et Latil.

Châssis nu et camion JL12 – 1946

 

A partir du châssis JL15, Somua abandonne le moteur licence Hesselman et adopte un nouveau moteur qui sera le fleuron de ses gammes futures. Il s’agit à l’origine de la version 6 cylindres 110×150 de l’excellent moteur diesel Panhard 4HL à licence américaine Lanova. Baptisé D610, il devient très vite le D615, suite à une augmentation de son alésage à 115.

Le moteur D615 6 cylindres 115×150 développe 150 ch. Il équipe la nouvelle gamme JL17-150 de 1951.

 

Moteur Lanova et JL17-150 (photo de 1954)

 

Relativement cher mais bien conçu, le JL17-150 séduit les transporteurs routiers de moyenne et longue distances, qui apprécient sa fiabilité et son endurance. Sa puissance et sa cylindrée de 9,3 litres le rapprochent des maxi-codes de la concurrence mais sa cabine n’a pas l’allure prestigieuse d’un Berliet GLR ou d’un Bernard. Le modèle et ses dérivés connaissent tout de même un certain succès (de 330 unités en 1953, la production passe à 661 unités en 1954).

En septembre 1955, Somua sort son nouveau JL au look actualisé : le JL19. Sur le plan mécanique, le véhicule est similaire au JL17 mais la cabine est entièrement redessinée et arbore une large calandre plate qui ne ressemble à aucune autre. Ce nouveau véhicule à l’allure si originale ne roule pas longtemps sous la marque Somua : fin 1955, le département Poids lourd de Renault s’associe à Somua et à Latil pour donner naissance à SAVIEM LRS. Somua apporte donc son dernier-né dans la « la corbeille de mariage ».

 

Le JL19 va survivre 3 ans sous la bannière Saviem. Il s’efface en 1958 pour laisser la place au JL20 qui, à son tour, reprend l’intégralité de la mécanique de son prédécesseur. Cette fois encore, la cabine est rajeunie : l’arrière de la cellule reste la même mais l’avant est doté d’une nouvelle calandre, la « 830 », qui sera montée par la suite sur les autres camions de la gamme unifiée Saviem (JL21, J23, JL25). Officiellement la marque Somua n’est plus… mais elle perdurera quelques années encore, à travers le moteur et l’excellent châssis du JL20.

Nous rendons ici hommage à Monsieur André Hubschwerlin, ancien bénévole à la Fondation Berliet et décédé en mai dernier : son répertoire sur l’histoire technique de Somua nous a été d’une aide précieuse pour la rédaction de cet article.