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Fondation de l'Automobile Marius Berliet

Autobus Berliet PR100 : le prince des villes

Nous sommes en 1968. L’activité « autobus » de Berliet est en difficulté suite, notamment, à l’arrêt des commandes de la RATP (Régie Autonome des Transports Parisiens). Loin de se décourager, le constructeur de Vénissieux décide de prendre en compte les nouveaux besoins d’un marché en pleine évolution, tant dans les villes françaises qu’à l’étranger, et d’engager l’étude d’un autobus urbain totalement inédit, le futur PR100. Une course contre la montre est lancée pour le Bureau d’Études Autocars Autobus qui va étudier, réaliser, essayer les prototypes et outiller leur fabrication dans un délai de trois ans.

En dehors de l’aspect purement technique, des critères vont être dégagés :

  • Recherche de solutions afin de proposer un produit fiable à un prix compétitif. (utilisation d’organes de grande série, standardisation des éléments de carrosserie…)
  • Industrialisation simple nécessitant un minimum de main d’œuvre.
  • Prise en compte du futur coût d’exploitation (facilité de maintenance, durée d’immobilisation, réduction du nombre d’interventions en cas de réparation, etc.)
  • Agrément des utilisateurs (confort grâce à la suspension, à l’emmarchement bas etc.). Moindre fatigue du chauffeur.

La conception générale du futur autobus va ainsi voir le jour :

 

Dès le début du projet, le Bureau d’Études et le service Méthode fabrication vont travailler conjointement en réalisant des maquettes de la structure et des sous-ensembles de la caisse, puis en les soumettant à divers tests. Ces travaux d’essais en « interpénétration » vont permettre d’avancer considérablement les délais d’études tout en apportant des éléments indispensables pour l’industrialisation à prévoir.

Berliet PR100 : structure autoportante

Deux prototypes roulants sont fabriqués dès 1970 : le premier sera expérimenté pour des essais en conditions d’exploitation réelles sur le réseau urbain de Nice. Le second est affecté au Service Essais pour des tests d’endurance et de mises au point générales.

Première version du Berliet PR100 (1971)

Prototype Berliet PR100 aux côtés d’un autobus PCMR

Les premiers PR100 à l’épreuve des villes

Dévoilé en mai 1971, le nouveau-né est baptisé PR100, un nom qu’il doit à sa capacité de 100 places (29 assises, 70 debout et 1 conducteur). Il est présenté au groupe « Trans-exel » couvrant les réseaux de Montpellier, Dijon et surtout Besançon qui passera commande de 80 véhicules (100% de son réseau).

Conscient que de nombreux problèmes de jeunesse sont impossibles à détecter sur les prototypes et n’apparaissent qu’après les premiers mois d’exploitation, Berliet va décider de mettre en place une cellule de suivi, composée des services Qualité Après-Vente, Méthodes fabrication et Etudes. Leur rôle sera d’assurer une réponse rapide pour toute réclamation provenant de la clientèle.

Malgré ses qualités de design et de confort, la première génération de PR100-PA, PR100-B n’est pas sans défaut. Dans les rapports datant de 1972, les principales remarques portent sur les moteurs Perkins V8-510 et Berliet V800 qui s’avèrent peu puissants, bruyants, trop gourmands en huile et en gasoil et qui dégagent une fumée excessive. Plusieurs villes telles que Grenoble, Lyon et Marseille feront remonter un premier bilan technique très critique. Le réseau lyonnais TCL juge notamment que les moteurs des Saviem SC10 de leur flotte apportent davantage de satisfaction que ceux des PR100.

Moteur Perkins V8-510 sur un Berliet PR100 (photo de 1972)

Deuxième génération : Le PR100-MI

Dès 1974, ces observations techniques, ainsi que les souhaits exprimés par les collectivités urbaines en matière de bruit, d’odeurs et de pollution, sont mis à profit afin de revoir entièrement le moteur et la chaine cinématique, notamment le choix des boîtes de vitesse. Pour Berliet, ce futur PR100 « deuxième génération » n’est pas le fruit d’améliorations ponctuelles mais résulte d’une étude de fond qui s’inscrit, entre-autres dans la perspective de nouvelles normes européennes. Les moteurs en V sont remplacés par le moteur en ligne Berliet MI 620-30, plus puissant, moins gourmand et moins polluant. L’implantation du nouveau moteur plus long et plus lourd que les moteurs précédents, nécessite un remaniement complet de la partie arrière de la structure autoportante, ainsi qu’une nouvelle répartition de charges sur l’avant. Pour faciliter son insertion, le moteur va être monté à 55° par rapport à la verticale, ce qui lui vaudra le nom de MIP (P pour « penché »). Afin de renforcer le véhicule contre les attaques corrosives (pollution acide, salage…) la structure autoportante va subir un nouveau traitement : la galvanisation « alliée fer-zinc ». Le nouveau PR100-MI est commercialisé à partir de 1977. Il est proposé avec 16 variantes d’implantation des sièges et sera le plus fabriqué de tous les PR100.

 

Structure en tôle galvanisée « fer-zinc » et chaîne cinématique du PR100-MI

Nuisances sonores, pollutions… problèmes et solutions

Au milieu des années 70, les autobus représentent entre 4 et 15% du trafic urbain mais figurent parmi les véhicules les plus bruyants : l’émission acoustique émise par un autobus non insonorisé est égale à celle de 10 voitures particulières. En liaison avec l’Institut de Recherche sur les Transports (IRT), Berliet va insonoriser les nouveaux PR100MI mais également proposer des « kits d’insonorisation » pour les modèles plus anciens. Ces dispositifs sont des écrans d’isolation et cloisons absorbantes sous le moteur et sur le système de refroidissement, ainsi que la mise en place de silencieux sur la ligne d’échappement.

insonorisation du Berliet PR100

A la demande de plusieurs réseaux urbains équipés de lignes électriques aériennes, Berliet sort le trolleybus ER100, un dérivé du PR100 à motorisation électrique silencieuse, économique et non polluante. Afin d’optimiser la souplesse d’utilisation des véhicules, le Bureau d’Études va également mettre au point un ER100 « bimode », par l’adjonction d’un moteur diesel auxiliaire accouplé à un alternateur. Cette solution autorise le véhicule à se maintenir en exploitation en dehors des lignes électriques. Premier trolleybus à fonctionnement autonome, le trolleybus ER100 bimode va séduire la plupart des grandes agglomérations, notamment Lyon et Grenoble.

 

Essais du trolleybus Berliet ER100 bimode

Un incontournable de la génération « eighties »

A partir de 1980, sous le losange de Renault Véhicules Industriels, le PR100 évoluera encore : afin de répondre au besoin croissant d’autobus à grande capacité, les PR180 et PER180 voient le jour. Composé de deux tronçons articulés autour d’une plateforme centrale, le PR180 peut négocier les virages comme un autobus classique. Long de 18 m, et transportant jusqu’à 161 passagers. Il est pourvu du moteur suralimenté MIPS 06-20-30.

PR180-MI effectuant des essais (1980)

En 1984, une troisième génération est mise sur le marché : le PR100-2. Le design, inchangé depuis une dizaine d’années, s’offre une cure de jouvence à travers une silhouette adoucie, gommant les saillies trop marquées et des portes d’accès vitrées sur toute la hauteur. Il est équipé du moteur MIPS 06.20.45, plus puissant à bas régime. Une option de freinage avec ABS est également proposée. Fin 1993, RVI sort une ultime version du PR100 construite jusqu’en 1995 : le PR112 et son modèle articulé PR118. Cette fois, la face avant est complètement redessinée : fabriquée en matière plastique par le carrossier SAFRA, elle arbore un pare-brise galbé.

Autobus Renault PR112 (1995)

Autobus Renault PR100-2 (1984)

 

Acteur majeur du développement des transports, dont il a su accompagner l’évolution, cet autobus emblématique a marqué le paysage urbain de quelque 113 villes françaises pendant plus de 25 ans. Le succès fut également au rendez-vous à l’export : d’après les archives Berliet – Renault V.I, 20 600 véhicules ont été produits en France et à l’étranger pour un chiffre d’affaire estimé à 4 milliards d’Euros : une belle réussite industrielle et commerciale !

20 ans d’écart entre ces deux clichés !

Renault PER180 aux essais à Lyon (1991)

Berliet PR100 prototype 1971