Latil V3Y10 de 1933 : Un V8 sous le capot !
Au début des années 30, le constructeur de Suresnes propose une gamme extrêmement diversifiée comptant, selon la documentation d’époque, quelque 70 modèles. La plupart de ces véhicules sont des améliorations et variantes effectuées sur des bases ayant fait leurs preuves en matière de fiabilité. On connaît surtout la réputation de Latil pour ses véhicules spéciaux et notamment ses tracteurs forestiers mais intéressons-nous de plus près à un camion impressionnant de la gamme 1933 : le châssis type V3Y10 équipé d’un puissant moteur en V.
« Pas plus long qu’un 4 cylindres, 2 fois plus fort ! » (publicité Latil 1933)
Ce moteur à essence est donc un 8 cylindres à culbuteurs dont les deux groupes de 4 cylindres forment un V ouvert à 60°. Ces groupes-cylindres sont surmontés d’une culasse détachable recevant le cache culbuteurs. Caractéristiques : alésage de 100 mm et course de 115 mm – 7 litres 240 de cylindrée – puissance effective de 110 chevaux.
La boîte 4 vitesses optimise le potentiel du moteur : en effet, elle est reliée à un démultiplicateur permettant d’accroître les combinaisons à 8 vitesses.
Le moteur en V développe une puissance près de deux fois plus élevée qu’un modèle à 4 cylindres en lignes, pour un encombrement réduit. Associé à la boîte de vitesses et son démultiplicateur, c’est un moteur très performant. La presse spécialisée de l’époque salue sa souplesse, son couple équilibré à bas régime qui prévient l’usure, économise le carburant et surtout son excédent de puissance qui trouve son utilisation lorsqu’il est nécessaire de produire un effort maximum en terrain accidenté.
Un châssis simple et solide :
Il s’agit d’une structure non surbaissée dite « à échelle », pourvue de traverses bien réparties et renforcées d’entretoises. Ces traverses sont rivées à même les longerons. La suspension des roues arrière, de type « à balancier » est assurée par 4 ressorts plats. L’essieu intermédiaire est moteur, le troisième essieu est uniquement porteur.
Pour ce camion en particulier, les ingénieurs de Latil ont opté pour des roues arrière simples au lieu d’un jumelage. Cette disposition autorise le montage de roues plus importantes dotées de gros pneumatiques. Cela permet un gain en matière de confort, une réduction des trépidations et une bonne répartition de la charge.
Trois systèmes de freinage :
- Un frein au pied agissant sur les 6 roues par l’intermédiaire de 2 servofreins à dépression qui viennent renforcer l’action du conducteur.
- Un Frein à main agissant sur les 4 roues arrières.
- Un frein à main de secours en sortie de boîte de vitesses, agissant sur l’arbre de transmission.
Latil, par souci de sécurité, multiplie ainsi les types de freinage sur ses grands camions 6 roues à tonnage élevé. Il faut noter qu’en 1933, les freins pour poids lourds posent encore un sérieux problème en matière d’efficacité et de sécurité et ce, malgré la naissance des premiers servofreins. Pour que les progrès deviennent significatif, Il faudra attendre 1945 et l’apparition des freins à air comprimé (via un compresseur entrainé par le moteur) et stocké dans un réservoir haute pression (Westinghouse) puis l’avènement des ralentisseurs électromagnétiques (Telma) au milieu des années 50.
« Les discours ne servent à rien, seuls les faits parlent » (publicité Latil 1933)
Dès juillet 1933, le camion effectue un « tour de France », dont les étapes et les performances sont vérifiées officiellement et constatées par huissier. Ce genre d’opération de terrain constitue un test pour les ingénieurs de la firme, mais surtout un argument publicitaire de poids auprès des clients soucieux de leur chiffre d’affaire.
Pour conclure…
A travers ce petit exposé, on constate la technicité et le sérieux de la conception de ce camion V3Y10, notamment les qualités et la beauté du moteur essence à 8 cylindres en V. Cette puissance de 110 chevaux pour un poids à vide de 5 400 kg fait de ce V3Y10 un grand routier performant, capable de transporter 12 tonnes de fret à une moyenne élevée. A cette période, Latil sort également le V3B8, une version plus légère (9,5 tonnes), ainsi que le V3AB3, pourvu d’un châssis surbaissé spécialement conçu pour les autocars.
A partir de 1934-35, La crise et les fortes taxes sur l’essence vont amorcer le déclin du splendide moteur V8. C’est le moteur diesel licence Gardner, nouvellement construit par l’usine de Suresnes, qui va s’imposer pour les camions « grands routiers » de la marque.
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