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Fondation de l'Automobile Marius Berliet

Le Berliet GPO71P 6×6, un géant méconnu

Dans la lignée des GBO15P 6X6, le Berliet GPO est conçu pour déplacer rapidement du matériel de forage ou des sacs de baryte destinés à éteindre les puits en feu à travers les immenses étendues sahariennes.

GPO71 essais Hassi-Messaoud

Le pétrole saharien : nouvelle conjoncture…

Après l’indépendance de l’Algérie en 1962 et le ralentissement temporaire de l’activité pétrolière, la recherche reprend dans le grand erg occidental. Le jeune État algérien diversifie ses approvisionnements de matériels en faisant notamment appel à des véhicules russes et roumains. Il va renouveler aussi ses commandes auprès de constructeurs américains tel que Kenworth.

Berliet, toujours dans la course !

Circulant depuis des décennies sur le territoire algérien, les camions Berliet bénéficient d’une cotte de popularité qui demeure très forte. La SONATRACH (Société nationale Algérienne pour la recherche, la production, le transport, la transformation et la commercialisation des hydrocarbures) se montre intéressée par des véhicules de type T100 mais moins gros et moins coûteux. Près de 10 ans après le T100 et l’arrêt de production du GBO15P 6×6, l’entreprise Berliet ambitionne de reprendre position sur ce marché saharien très spécifique. Elle va donc étudier un véhicule « hors code » destiné aux usages pétroliers et capable de concurrencer les camions Kenworth 953 déjà bien implantés sur place.

Kenworth type 953 pétrolier

Le bureau d’études « véhicules spéciaux » en effervescence

Chez le constructeur lyonnais, l’ère est à la diversité. Depuis le milieu des années 50, sous la direction d’André Billiez, l’activité « véhicules spéciaux » se déploie dans différents secteurs (dumpers, véhicules militaires…). L’idée de porteurs-tracteurs lourds 6×6 a déjà pris corps sous la forme de plusieurs prototypes dérivés du TBU tels que les TE 6×6, TBO12M 6×6, TCO 6×6… ainsi que le porte-chars TPO15A 6×6, sorti en 1966. On peut supposer que c’est ce tracteur qui va inspirer l’étude d’un futur véhicule civil à vocation saharienne. Ce nouveau prototype est doté en effet, du même boggie arrière type B40 (deux ponts moteurs Berliet à triple réduction montés en tandem) et de la même boîte de vitesses Allison CLBT5860, mais sa comparaison avec le TPO15A s’arrête là.

 

Berliet TPO15A

 

Berliet TPO15A

 

Un nouveau-né géant baptisé GPO15P 6×6

Depuis le début des années 60, Berliet fait appel à des fournisseurs américains pour la motorisations de ses véhicules spéciaux lourds : en effet, leur production très limitée ne justifie pas l’étude de moteurs « maison ». Ici, le choix des ingénieurs va se porter sur le moteur américain GM 12V 71N 60. Les 12 cylindres en V développent une puissance de 425 ch à 1200 tmn lui permettant une vitesse maximum de 65 km/h.

fiche technique Berliet GPO

Concernant l’habitacle, le choix d’une cabine à l’arrière du moteur est une évidence pour une utilisation saharienne. Le futur GPO 6×6 est tout d’abord ébauché avec une face avant voisine du GBO15P 6×6 puis il évolue en 1967 avec une cabine confortable d’un dessin moderne et anguleux, à la fois rationnelle et économique. En 1968, le prototype sort officiellement sous le nom de GPO 71 P 6×6.

Essais GPO Bourg 1968

Essais prometteurs au Sahara

Le porteur-tracteur GPO 71P 6×6 est envoyé au Sahara en septembre 1968 sous la direction de Maurice Berliet et Jean-Claude Perronnet pour effectuer deux missions « test » successives auprès du service transport de la SONATRACH. La première, entre Hassi-Messaoud et El Borma, et la seconde, entre Hassi Messaoud et Hassi Keskessa.

 

GPO71 essais-Hassi-Messaoud 1968

 

GPO71 essais Hassi-Messaoud 1968

 

Dans le rapport d’essais du 23/10/68, Maurice Berliet fait état des points à améliorer, notamment :

  • Le bruit du moteur.
  • Les à-coups d’enclanchement des trains coulissants de la boîte de vitesses, extrêmement désagréables en charge et pouvant à la longue nuire à l’ensemble mécanique et à la fixation de l’attelage.
  • Les ressorts avant trop raides.
  • Les ressorts arrière qui « usinent » leurs guides.
  • La fixation de la sellette et la forme arrière du plateau sont à revoir.

Il liste également plusieurs points positifs :

  • La puissance du moteur.
  • La puissance de la direction (braquage à l’arrêt possible en toutes conditions).
  • La maniabilité de commande du pont avant et du blocage de différentiel inter-pont.
  • La puissance du refroidissement.
  • L’isolation thermique de la cabine.

Malgré ces premiers essais, la SONATRACH n’est pas convaincue. Elle juge la puissance du GPO insuffisante, ses capacités de franchissement limitées et au final, elle n’en commandera aucun. Cinq GPO 71 P seront construits entre 1968 et 1969. Le prototype effectue les tests au Sahara puis est réformé à son retour à Lyon. Un véhicule est vendu en Libye. Deux exemplaires seront vendus à Petrobras au Brésil puis rejoignent l’Egypte vers Alexandrie. Le GPO 71 P 6×6 version rallongée servira de base à l’élaboration de son successeur : le GXO.

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