Aux origines du transport – Part 1 : la route
Soumis aux aléas des mauvais chemins et à la fatigue des animaux d’attelage, les transports sont restés lents et aléatoires pendant des générations… Flashback sur les routes françaises des temps anciens :
Il y a longtemps, très longtemps…
Dès le Néolithique, l’agriculture et son corollaire le commerce, vont générer des échanges entre les communautés et l’utilisation de chemins réguliers. Par la suite, les bâtisseurs romains modernisent et élargissent le tracé de ces routes ancestrales. De nouvelles voies sont également construites, afin de faciliter la circulation des biens et le déplacement de l’armée d’occupation. A l’apogée de la période gallo-romaine, le territoire va compter jusqu’à 20 000 km de routes saines et carrossables.
Par la suite et pendant des décennies, le réseau va se dégrader inexorablement faute d’entretien et de savoir-faire. A la fin du moyen âge, les routes carrossables se limitent à celles des pèlerinages et des accès aux grandes foires.
« Il n’existe, vers 1600 que trente grandes routes dans toute la France. Les autres chemins, mal entretenus, deviennent impraticables à la moindre pluie, aussi pour le transport de marchandises faut-il recourir au portage par bête de somme ou attendre la belle saison pour pouvoir utiliser des chariots. » (Edgar De Geoffroy – Histoire de la locomotion terrestre – 1935)
Routes royales sous l’ancien régime
Initiée par Colbert, ministre de Louis XIV, la construction de nouvelles routes et ouvrages d’art (ponts, pavages…) va se poursuivre sous le règne de Louis XV. Cette mission est supervisée par l’Administration des Ponts & chaussées, qui voit le jour en 1716.
Focus sur la « corvée » des chemins
Inspirée d’une tradition où le paysan devait des travaux gratuits à son seigneur, la corvée se développe sous Louis XIV et s’institutionnalise en 1738. A l’exception des gentilshommes et des gens d’église, tous les sujets mâles âgés de 16 à 60 ans sont corvéables s’ils habitent à moins de trois lieux de la route à rénover. Ils ont l’obligation de participer aux travaux avec leurs propres outils, bêtes de somme et charrettes. Cette contribution en main d’œuvre gratuite va jouer un rôle majeur dans l’entretien des routes du royaume.
Impopulaire et jugée peu moderne, la corvée est supprimée par le ministre Turgot en 1776. Une taxe de substitution est levée sur chaque province et les hommes corvéables sont remplacés par des ateliers d’entrepreneurs locaux. Malheureusement, ce système va se révéler désastreux, avant d’être définitivement mis à mal par la Révolution de 1789. Après 20 ans d’abandon, les routes sont détériorées à 90 %.
1800-1850 : en route vers le progrès
En 1801, Napoléon Bonaparte est nommé Premier Consul : conscient de l’importance économique et stratégique d’un bon réseau routier, il va s’appuyer sur la création de la Banque de France pour financer une politique de rénovation et de grands travaux inédite.
A partir de 1803 et pendant près de 9 ans, les ingénieurs des Ponts & Chaussées cartographient et numérotent minutieusement les routes. Baptisée « classement du 16 décembre 1811 », cette nomenclature est le point de départ d’une grande réorganisation. Elle va contribuer, entre autres, à établir des services permanents de cantonniers sur toutes les portions routières reconnues viables.
Naissance des départementales et chemins vicinaux
Baptisées « routes royales » puis « routes impériales » et « routes nationales », les grands axes vont changer régulièrement de dénomination selon les régimes politiques. Ils sont logiquement les mieux entretenus.
Quant au réseau secondaire, sa rénovation commence véritablement en 1837, suite à une loi sur « le comblement des lacunes ». Cette loi va engager un programme de dix ans pour la suppression de toutes les embûches qui gênent le tirage animal. Les chantiers sont distribués en fonction de la nature des tronçons : à réparer, à rétablir, à adoucir, ou irrémédiablement dégradés. Au besoin, on abandonne le tracé existant pour ouvrir une portion plus roulante. Enfin, une loi du 24 mai 1842 autorise la transformation des sections délaissées en « départementales », « chemins vicinaux » ou « sentiers d’exploitation ».
Pavés, pierres et macadam…
« En 1827, sur 32 077 km de routes carrossables, on dénombre 14 289 km de routes de terre battue, 11 529 km de routes empierrées et 2 760 km de routes pavées » (Charles Higounet . – L’homme et la route en Europe occidentale).
Diverses techniques sont mises en œuvre : utilisé de longue date, le pavage concerne principalement les régions urbanisées du nord et du bassin parisien. Les autres routes sont le plus souvent empierrées :
– Les chaussées de « corvée », sont inspirées des voies romaines. Elles ont une grosse épaisseur : 50 cm au milieu et 32 cm aux bordures. Les pierres sont arrangées à la main dans le fond de l’encaissement, posées à plat, puis chargées de pierrailles plus petites, jusqu’à la naissance du bombement. Ensuite, elles sont battues à la masse et recouvertes de gravats.
– Les routes construites selon la méthode de l’ingénieur Tresaguet (1775) sont moins épaisses et moins rigides : L’encaissement est bombé et la première couche du fond est posée de champ et non à plat. Le comblement est arrangé à la main puis battu et cassé grossièrement à la masse, afin que les morceaux s’incrustent les uns dans les autres. Les pierrailles de la dernière couche sont cassées de la grosseur d’une noix, pour être ensuite jetées à la pelle sur la chaussée et former le bombement.
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– La méthode de de l’ingénieur anglais Mac Adam (1816), père du « macadam », est très novatrice : elle consiste à utiliser des petites pierres cassées spécialement et calibrées rigoureusement, afin qu’elles s’emboîtent pour former un revêtement homogène et élastique. Ce type de matériau rend l’usure presque uniforme et garantit une bonne étanchéité. Contrairement aux autres techniques, les routes construites selon la méthode de Mac Adam n’ont pas d’encaissement creusé.
– La méthode de Telford (1820) n’est autre que celle de Trésaguet modifiée, reprise par l’ingénieur britannique Telford, à la suite des travaux de de son compatriote Mac Adam.
Cylindres et Rouleaux compresseurs
A partir de 1829, de plus en plus de chaussées vont être construites selon la technique de Mac Adam ou de Telford. Un problème persiste toutefois, celui de l’usure : d’ordinaire, la liaison des matériaux durs répandus à la surface se fait à l’usage, grâce aux passages répétés des véhicules. La cohésion reste imparfaite et favorise le formation d’ornières. Pour y remédier, l’ingénieur Polonceau va préconiser le tassement au moyen d’un lourd cylindre, appelé également rouleau compresseur.
Plusieurs types de cylindres ou compacteurs seront utilisés dès 1835. Avec l’avènement des moteurs à vapeur, les rouleaux compresseurs deviennent « auto-mobiles » : ils sont plus lourds et gagnent en efficacité.
Ainsi consolidées, aplanies et élargies, les voies de circulation sont plus unies et plus confortables. Leur configuration légèrement bombée permet l’évacuation des eaux de pluies.
A suivre… chapitre 2 : attelages et cheval-vapeur !