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Fondation de l'Automobile Marius Berliet

Alcool au volant : un fléau qui ne date pas d’hier !

Dans un précédent article sur la sécurité routière, nous avions évoqué le « coté obscur » des 30 glorieuses en matière d’état des routes, d’excès de vitesse, etc. Nous allons nous pencher ici sur une cause importante d’accidents : l’alcool au volant.

détail publicité 1930

Des habitudes de consommation très ancrées…

Le problème est bien antérieur aux années 50 ! Dès le début du XXe siècle, l’État français lance plusieurs campagnes contre le ravage des alcools distillés et de l’absinthe. Par opposition, on vante les bienfaits du vin, boisson assez peu alcoolisée (10 à 11 degrés) « hygiénique et naturelle », en se référant notamment aux travaux de Louis Pasteur. En ce temps là, ces recommandations sont justifiées car la qualité de l’eau est souvent médiocre, voire même dangereuse pour la santé.

 

carte routière de 1937

carte routière de 1937 (image web)

 

publicité de 1934 vin du midi

publicité de 1934 (image web)

 

Reprise activement entre les deux guerres par le Comité de Propagande en Faveur du Vin, l’idée que « le vin, c’est la santé », va s’imposer dans la conscience collective. Pendant les événement sportifs, tel le Tour de France par exemple, le cidre et le vin sont les boissons favorites des coureurs !

Camionnette Latil, caravane du Tour de France 1936

Et sur la route ?

Les habitudes de consommation ne sont pas remises en question par la généralisation de la pratique automobile. A cette époque, dans les milieux professionnels tels que ceux des transport, boire du vin pour étancher sa soif est un geste aussi naturel que de se servir un verre d’eau. Le long des nationales, les hommes de la route s’arrêtent régulièrement dans les cafés et restaurants estampillés « relais Routiers ». Le vin, compris dans le prix du menu, est servi sans restriction.

Relais routier

Un relais routier en 1952

Il faut toutefois préciser que les conducteurs d’engins et les camionneurs dans leur majorité, veillent à ne pas prendre le volant en état d’ébriété avéré : ils en connaissent les conséquences fâcheuses sur la qualité de leur travail et la sécurité. Chacun gère sa consommation l’alcool selon ses propres critères, très variables d’un individu à l’autre.

La prise d’alcool pendant la pause-repas est loin d’être l’apanage des travailleurs et des chauffeurs routiers : Lors d’une excursion « touristique » en voiture, les étapes sont rarement synonymes de modération. Outre le vin aux repas, les automobilistes considèrent que la consommation de spiritueux aux vertus dynamisantes et « digestives » est un atout pour stimuler la vigilance du conducteur. Plusieurs marques vont surfer sur cette tendance, surtout entre 1920 et 1940.

Vide juridique et indulgence

En France, avant 1960, l’alcool au volant n’est pas considéré officiellement comme dangereux. Sur le sur le plan juridique, le véhicule étant estimé comme un « espace privé » au même titre qu’une habitation, le conducteur peut s’y trouver sous l’emprise de l’alcool, il n’y a rien à redire, tant que le « désordre sur la voie publique » n’est pas constaté.

En 1959, une première ordonnance permet de sanctionner la conduite en état d’ivresse avéré, mais aussi sous l’empire d’un état alcoolique. Il faudra cependant attendre plus de 10 ans pour que le contrôle d’alcoolémie devienne obligatoire après une infraction ou un accident.

Plus étonnant encore :

Jean-Yves Salaün, délégué général de la Prévention routière explique que « les conducteurs, qui passaient devant le juge et qui avaient à justifier leur comportement, pouvaient mettre en avant le fait qu’ils avaient bu et que par conséquent, il n’étaient pas forcément en état d’avoir conscience de leur comportement et des risques qu’ils prenaient. Les juges pouvaient considérer que l’alcool était dans ce cas une circonstance atténuante« .

Au début des années 60 toutefois, les premières campagnes de prévention voient le jour, en témoignent certaines affiches et reportages cinématographiques (archives de l’INA) :

Les années 70 se réveillent avec « la gueule de bois »

Entre 1970 et 1975, le bilan annuel du nombre de tués sur les routes est effroyable (Pour rappel, 1972 va battre un triste record avec 18 034 morts). Parmi les mesures fortes de sécurité routière, telles que la limitation de vitesse, on met également en place en 1970, le contrôle d’alcoolémie obligatoire après une infraction ou un accident :

  • Plus de 0,8 g par litre de sang, c’est une contravention.
  • à partir de 1,2 g par litre de sang, on commet un délit.

Fait divers dans la presse 1973

L’Organisme National de la Sécurité Routière de l’époque a du mal à établir clairement le chiffre exact des accidents imputables à l’alcool mais des évaluations de 1974 font état de 3000 victimes liées directement à l’imprégnation alcoolique sur les 14 526 tués cette année là.

Toujours en 1974, une étude menée dans le cadre d’une table ronde médicale rapporte qu’en France, « un homme sur cinq aurait une alcoolémie supérieure à 0,80g par litre de sang après le déjeuner. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que le conducteur atteigne ce taux pour que se manifestent les effets de l’alcool, puisqu’entre 0,30g et 0,50 g, on constate déjà des altération de la vision et une dégradation des facultés d’attention et d’adresse. »

En 1978, dans le cadre d’une grande campagne contre l’alcool au volant, la gendarmerie et la police vont effectuer les premiers contrôles aléatoires avec alcootest, auprès des automobilistes. Pour de nombreux usagers de la route, l’injonction à « souffler dans le ballon » va vite être considérée comme une brimade et un abus de pouvoir des autorités.

L’association Prévention Routière, pionnière : https://www.preventionroutiere.asso.fr/

La Délégation de la Sécurité Routière : https://www.securite-routiere.gouv.fr/