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Fondation de l'Automobile Marius Berliet

Le Berliet T100 « Tulsa » – chapitre 2 : les USA !

Le Berliet T100 n°4 est un modèle à cabine avancée (voir chapitre 1 ), spécialement pensé pour séduire le marché américain. Paul Berliet souhaite en faire la vedette de la Foire-exposition quinquennale des matériels pétroliers, prévue du 14 au 23 mai 1959 à Tulsa (Oklahoma). Au début du printemps, c’est l’effervescence à l’usine de Monplaisir : le colosse est « fin prêt » pour conquérir les USA !

De la France… jusqu’à la nouvelle France : un succès énorme !

Le Top Départ est donné le 9 mars 1959 : le T100 n°4 quitte Lyon, direction Le Havre où il doit embarquer le 25 mars. Il est conduit par Marius Mora, assisté de Joseph Blattner, à une vitesse moyenne de 30 km/h. Ce périple publicitaire est l’occasion de traverser des régions françaises où nul T100 n’avait encore jamais roulé et surtout, de l’exposer devant les concessions Berliet de villes-étapes telles que Bourges, Orléans, Chartres, Rouen…

 

 

 

17 mars : le T100 pose devant la succursale Berliet de Rouen

 

 

 

 

Chaque passage, relayé par la presse locale, rassemble de nombreux badauds. Plus d’un an après la sortie du premier T100, le succès ne se dément pas auprès d’une population française très fière des prouesses de son industrie.

L’arrivée du géant aux USA et premiers tracas administratifs

Après une traversée à bord du cargo norvégien Dagrun, le T100 débarque le 13 avril aux dans le port St Louis Bay de New-Orleans (Louisiane). A l’origine, Berliet prévoyait une arrivée au port de Huston et un acheminement pour la ville de Tulsa, via le Texas. Les autorités texanes ayant refusé l’autorisation au T100 de circuler, le trajet fut donc modifié en conséquence. Paul Berliet cite à ce sujet une anecdote : exploitant l’incident, un publicitaire présent sur place a eu l’idée d’une excellente formule : « Too big for Texas ».

 

Embarquement au Havre

 

 

La foule américaine vue depuis la cabine du T100

 

 

Le T100 va parcourir par la route, les 1700 km entre New-Orleans et Tulsa, en traversant trois états : la Louisiane, l’Arkansas et l’Oklahoma. Ce trajet (200 km par jour) est une fois encore, l’occasion d’une belle opération de relations publiques. Selon le reporter de Berliet Information, « En Louisiane, l’accueil des premiers descendants des pionniers français était indescriptible et beaucoup tenaient à venir converser dans notre langue, fleurie de pittoresques archaïsmes (…) La police automobile ouvrait la voie à coup de sirènes, ce qui donnait, en plus du côté massif du convoi, un volume sonore des plus attractif ».

Enthousiasme à la Foire de Tulsa

A Tulsa, le public fait un accueil triomphal au géant ! Le 16 mai 1959, il est la vedette d’une grande parade à l’américaine au milieu de majorettes, chariots du Far West et danseurs Peaux-Rouges. Pendant toute la durée de la foire-exposition, plus de 300 000 visiteurs se pressent autour du stand Berliet pour l’admirer.

 

 

Berliet T100 à Tulsa, vue 1

 

 

Berliet T100 à Tulsa, vue 2

 

 

Cap sur Chicago : un périple… fluvial !

Après Tulsa, le Berliet T100 doit reprendre la route à destination de l’exposition internationale de Chicago (du 2 au 18 juillet), mais contre toute attente, l’autorisation de circuler est subitement retirée. Informé de ce refus administratif, Paul Berliet et son équipe réagissent très vite : puisque les routes lui sont fermées, le T100 remontera par le fleuve Mississipi ! Dans un premier temps, le géant redescend donc vers New-Orleans par le trajet « aller » et de là, il embarque sur une barge, direction Chicago.

Port de New-Orleans : Dépose du T100 sur une barge.

Au cours du voyage, il sera dévié momentanément sur Colombus, dans les usines Cummins, afin que son moteur soit modifié (sa puissance passe de 600 ch à 700 ch). La Foire de Chicago est un évènement plus généraliste que celle de Tulsa mais la récente renommée du T100 en fait l’invité d’honneur du comité de la Foire. Après 15 jours d’exposition, le mastodonte reprend la voie des eaux : il est chargé à bord d’un cargo qui va emprunter les lacs Michigan, Huron, Erié, Ontario. Il remonte ensuite le Saint Laurent jusqu’à l’Atlantique pour son retour au bercail.

Les américains ont aimé… mais n’ont pas acheté.

Une fois revenu en France, le constat est amer. Le T100 a été reçu aux USA avec ferveur mais cet engouement populaire ne sera pas suivi d’effet auprès des professionnels. Aucune commande, aucun client potentiel ne se manifeste. Pourquoi ? Selon Paul Berliet, « nous avons vexé les américains en faisant un camion plus gros que les leurs ! Face à leur extrême protectionnisme, je ne faisais pas le poids pour monter sur le ring. Il y a des constructeurs qui se sont ruinés en voulant conquérir l’Amérique, moi je suis un réaliste et je me suis dis que je ne remettrai jamais les pieds aux États Unis. ».

Fiche technique Berliet T100 Tulsa